L’écho des fêtes et des réunions de village résonne encore ici. L’ambiance chaleureuse qui y règne porte la mémoire de la communauté de Gould et de Sainte-Marguerite de Lingwick. Voici un petit tour guidé de ce magnifique bâtiment et de son histoire.
Le Town Hall
Au rez-de-chaussée
Avec quatre longues tables de réfectoire, on peut sentir que plus d’une réunion a eu lieu ici. Les deux tables centrales sont traversées par des poutres de soutien, les rassemblements peuvent compter facilement plus d’une centaine de personnes. Dans la cuisine attenante, une immense cuisinière au bois permet de préparer les repas pour servir les convives.
«Lingwick était reconnu pour ses soupers communautaires servis au Town hall de Gould par la Ladies’ Aid. C’était un plaisir pour toutes les femmes dans les districts de faire leur cuisine et de l’apporter au Town Hall. Personne ne peut oublier de tels dîners avec toute la camaraderie et l’amitié dont ils étaient assortis.»[i]
[i] 1 Tiré du livre d’Annie Isabel Sherman History The Families of Shermann-MacIver, cité dans Canton de Lingwick 150 Township of Lingwick, 2005
Le Hall
Au deuxième étage, la salle de danse qui peut accueillir jusqu’à 200 personnes (bien tassées) était le lieu des fêtes, des soirées dansantes et des cèilidh écossais. On dit que les communautés francophones et anglophones s’y côtoyaient les samedis soir en échangeant leur répertoire.
On y retrouve une scène avec un petit dégagement de chaque côté, coulisses auxquelles on accède par les deux portes flanquées de marche.
Un banc de bois pour les participants au repos (ou pour ceux qui attendent une invitation) fait le tour de l’immense pièce, le plancher est composé de planches verticales ce qui assure une solidité à l’épreuve de tous les reels endiablés.
Entièrement lambrissée de bois à l’écossaise (scottish panelling), la pièce est exempte de piliers de soutien pour laisser toute la place à la danse. On peut voir au plafond, traversant les poutres, les tirants métalliques qui permettent cet exploit.
«C’était le travail des professeurs de préparer les activités de la fête de Noël. […] Le Town Hall où la fête était tenue était rempli à pleine capacité en cette veille de Noël. La programmation des activités de la soirée était intéressante, car de tels spectacles étaient fréquents. L’arbre était joliment décoré et allumé, il avait une odeur très parfumée. La guerre terminée, les jeunes gens étaient de retour à la maison pour Noël. Tous avaient raison d’être gais et heureux. Les musiciens, des talents locaux, Willie MacLean et ses sœurs Agnes et Certie, jouaient des airs entraînants pour les danses carrées, le fox-trot, les valses à deux temps. Les jeunes qui quittaient Lingwick se souviendront de ces rassemblements communautaires, comme les plus heureux qu’ils aient connus.»[i]
Le troisième étage
En 1912, le conseil municipal loue l’espace du troisième étage à la Lingwick Lodge, la loge maçonnique no 79. Les francs-maçons utiliseront l’espace jusqu’à la vente du Town Hall en 1981.
Les traces des anciens murs de la pièce avec l’antichambre et les portes d’entrée sont encore visibles sur le plancher. On remarque aussi la place aménagée au mur pour la chaise d’un officier (Junior Warden) de la loge.
[i] Idem. Tiré du livre d’Annie Isabel Sherman History The Families of Shermann-MacIver
Histoire du bâtiment et de sa construction
Au tout début du XXe siècle, le village de Gould est l’unique centre du canton de Lingwick. Il est situé sur la route actuelle, numéro 257, des deux côtés de l’intersection avec la route numéro 108 actuelle.
Avec ses magasins généraux, ses églises, son hôtel, ses moulins, sa forge, son auberge et relais de diligence, le village est le coeur d’une communauté d’environ neuf cents personnes, disséminées dans les fermes des rangs avoisinants. Mais il ne possède pas de bâtiment municipal, le conseil se réunit à l’époque dans la petite école du village et les gens, dans les hôtels et les magasins généraux.
C’est Daniel Hazen Morrison, alors propriétaire du magasin général fondé par la famille Ross, qui décide d’honorer la mémoire des pionniers écossais en bâtissant un édifice spacieux sur trois étages dont l’usage sera dédié à la communauté.
Fils de Betsy MacDonald et de John Morrison, immigrés de l’île de Lewis dans les années 1840 et établis dans le rang Galson, Daniel Hazen Morrison est revenu à Gould après avoir fait sa fortune lors de la ruée vers l’or. Le Town Hall est un geste concret pour redonner à sa communauté.
En avril 1901, la municipalité du canton de Lingwick achète pour la somme de 150 $ un terrain situé sur une partie du lot 16 dans le rang C (le centre du village), aux propriétaires de l’hôtel, M. Edward C. MacKay et Mme Albina Hanright MacKay. La construction débute alors et est complétée à l’été. Le 28 octobre 1901, une brève est publiée dans le journal The Examiner: «Deux beaux bâtiments ont été érigés à Lingwick au cours de l’été dernier qui font honneur à l’endroit, l’un est le Town Hall, l’autre appartient à W. Murray.» (traduction libre). Dans le même journal, le 20 janvier 1902, est publiée l’annonce d’un souper d’huîtres donné au Town Hall par The Ladies’Aid of Lingwick.
En 1903, le conseil municipal y tient ses premières réunions et les communautés francophones et anglophones investissent les lieux.
En 1974, le conseil municipal quitte le Town Hall pour siéger dans l’ancienne école de Sainte-Marguerite-de-Lingwick. Le conseil mettra en vente le bâtiment qui passera à des propriétaires privés à partir de 1981.
Lors de sa remise en vente en 2018, Jonatan Audet s’en porte acquéreur et rouvre les portes du Town Hall pour des événements et des rencontres dans le but de redonner à la communauté la possibilité de fréquenter cet endroit porteur de l’histoire locale.
En 2019, le Centre culturel Oscar-Dhu y a présenté 5 journées d’activités et de concerts dans le cadre des célébrations du 125e anniversaire de la mort de Donald Morrison par le Sentier des Écossais. Beaucoup de gens d’ici (et de plus loin) qui avaient fréquenté le Town Hall jadis sont venus, curieux de revoir l’endroit. Les témoignages qu’ils nous ont livrés rappellent l’importance de ce lieu de rassemblement pour la communauté.
Rédaction: Isabelle Mandalian
Photos du bâtiment: Charles Lafrance
Photos historique: source Daniel Audet
Sources de l’article:
- Canton de Lingwick 150 Township of Lingwick, Comité du 150e anniversaire du canton de Lingwick, auteure Céline Gagné et autres, 2005, pp 54-55
- The Sherbrooke Examiner, 20 janvier 1902